dimanche 1 mars 2015

Ceci n'est pas de la philosophie - Du début à la fin

Par un contre-sens maintenant millénaire, le vocable 'philosophe' est venu à désigner un professionnel de la pensée, c'est-à-dire une personne dont le métier est la transmission d'un savoir réflexif, d'un certain point  de vue reconnaissable et reproductible sur le monde.

Étant moi-même un ami intime de Platon, instituteur légendaire de cette distinction fondatrice entre le philosophe et le sophiste, il m'est aujourd'hui possible de corriger une fois pour toute ce contre-sens millénaire. Platon classe les gens d'esprit en deux catégories, d'une part les philosophes et de l'autre les sophistes, tels les bons et les méchants d'un conte pour enfant. D'un côté, les bons philosophes, suffisamment humbles et critiques pour ne pas se prétendre maîtres du savoir. Les philosophes seraient une secte de guerriers qui s'astreindraient à une austère discipline martiale qui les réduiraient à un état d'éternel apprentissage et recommencement. De  l'autre côté, les méchants sophistes, seraient un corps de métier composé de personnages suffisamment naïfs et suffisants pour prétendre enseigner le savoir vrai. Ces personnages tout en se plagiant les uns les autres essaient de se distinguer de leurs confrères et d'attirer l'attention sur leur savoir-vrai particulier par tel ou tel discours, écrit ou phrase bien tournés. Comme des enfants sages, qui saisissons bien la leçon du conte,  nous sommes invités à détourner notre regard de la vanité et la complaisance des sophistes pour plutôt tourner les yeux vers l'éternel recommencement des véritables incultes, les philosophes. Et pourtant...

Presque tout ce qui se présenta subséquemment comme de la philosophie révèle une ridicule mascarade de penseurs, d'intellectuels et de scientifiques vaniteux qui, tout en jurant allégeance au noble idéal de la philosophie, ne peuvent s'empêcher de mettre en valeur leur savoir afin d'être reconnu par leurs pairs, qui eux savent reconnaître le vrai savoir. Ne suis-je suis pas moi-même, ami intime de Platon, un excellent exemple de ce savoir philosophique?

Le soi-disant philosophe devient immanquablement un sophiste du moment où la philosophie devient une activité valorisée et reconnue comme produisant un savoir ou une sagesse de vie puisqu'il devient un communicateur, un idéologue du savoir ou du savoir-vivre. Le philosophe de mon cher Platon est donc un paradoxe, amant de l'ignorance au moins autant que du savoir. Amant impossible puisque l'ignorance ne se laisse pas connaître, tout ce qui se laisse connaître se métamorphose toujours pour nous en connaissance, alors que l'ignorance est par définition ce qui échappe à notre connaissance. Ce philosophe serait quelque chose comme l'être humain en tant qu'il s'échappe à lui-même, en tant qu'il se cherche et ne se trouve pas. Un itinérant dans la cité du savoir.